mercredi 8 mars 2017

WHO'S WHO DE L'HELIXOPHILIE : G... COMME ALAIN GRONDEAU





Amis hélixophiles, bonjour !


Le collectionneur nécessaire de la semaine pour notre rubrique :

le Who's Who de l'hélixophilie


est Français. Il s'agit de :




Alain GRONDEAU




Chineur né et multicollectionneur, homme de culture et de partage, passionné et passionnant, Alain Grondeau est un des fondateurs du Club Français du Tire-Bouchon : merci à lui d'avoir bien voulu répondre à nos questions !




De la cave bordelaise au tire-bouchon parisien


Q. Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs en quelques mots, Alain ? Qui êtes-vous ? quel est votre parcours ?

R. Je suis Bordelais.
Après l'Ecole Supérieure de Commerce de Bordeaux, j'ai fait deux années de coopération culturelle au Cambodge.
De retour en France, les Galeries Lafayette m'ont embauché et ne m'ont relâché qu'à l'âge de la retraite.
Après 15 ans de Bureau d'Achats, j'ai dirigé quatre grands magasins, dont Montparnasse et Nantes.
Mon épouse Thérèse et moi vivons à Paris. Notre fils aîné est aviateur, installé à Los Angeles. Le plus jeune a vingt-cinq ans et court encore le monde en quête de sens.


Q. A l'origine d'une collection, il y a généralement un événement déclencheur : qu'est-ce qui vous a amené à collectionner les tire-bouchons ?

R. Mon père, épicurien, m'a très tôt familiarisé avec le vin.
Quand j'étais enfant, nous descendions à la cave, armés, lui d'un marteau et d'un tournevis indispensables pour ouvrir ces caisses qui sentaient bon le pin des Landes, moi, de la lampe de poche pour l'éclairer.
Chaque bouteille était enveloppée dans un papier violet et enfouie dans un paillon... 
Gestes rituels, magie des lieux, ambiance sonore et olfactive, moments de complicité avec mon père, tout a contribué à rendre ces souvenirs inoubliables pour moi.
De la bouteille au premier tire-bouchon, il n'y a qu'un pas ... franchi des années plus tard aux Puces de Vanves.




Le mythique premier tire-bouchon d'Alain : 
un Guinot à poignée de bronze argenté et décor de pampres



Mon premier tire-bouchon, acheté là, était en bronze argenté, orné de pampres. 
Le hasard ? Non, je pense que nous avons rendez-vous avec les objets.
Ce tire-bouchon garde son histoire. Pour moi, sa valeur n'était pas qu'utilitaire puisque désormais je savais qu'il m'accompagnerait toujours dans des moments de plaisir partagés, de joie, de bonheur.
L'intérêt pour ce tire-bouchon venait de faire de moi un véritable collectionneur-chasseur de tire-bouchons !


La collection exhaustive d'un collectionneur grand voyageur


Q. Et combien de tire-bouchons avez-vous accrochés depuis à votre "tableau de chasse" ?

R. En ces temps-là, je parle des années 70, les brocanteurs considéraient le tire-bouchon comme un objet domestique ordinaire, sans grande valeur. 
C'était pour nous collectionneurs, une époque faste et "giboyeuse", pour prolonger votre métaphore !
Avec les années, les publications et les collectionneurs se sont multipliés, alors les bonnes pièces sont devenues plus rares et plus coûteuses.
Quand j'ai atteint 2500 pièces, j'ai arrêté de compter...


Q. Avez-vous eu une préférence pour une catégorie de tire-bouchons ou bien, dit autrement, vous êtes-vous spécialisé sur une catégorie ? Laquelle et pourquoi ?

R. Ma collection est plutôt exhaustive.
Je ne soupçonnais pas la formidable diversité qui règne parmi les tire-bouchons. Cette richesse est si excitante qu'elle nourrit et renouvelle ma passion.
J'aime les tire-bouchons aux cloches en bois naïvement décorées, souvenirs des vacances à Perros Guirec ou à Chamonix.




Souvenirs colorés.


J'admire les mécaniques, produits de l'imagination d'ingénieurs créatifs et talentueux, obsédés par le mode d'extraction du bouchon.
J'apprécie le design des tire-bouchons scandinaves et l'accent mis sur l'esthétique.




La beauté du design scandinave.



Et je suis toujours aussi étonné par la qualité exceptionnelle des tire-bouchons anglais de l'époque victorienne...




Anglais, jusqu'au bout des mèches !



D'ailleurs, et comme cela me le fait à chaque fois, cette simple évocation des tire-bouchons anglais du XIXe siècle me remet en mémoire le chef d'oeuvre de Blaise Cendrars, "La Prose du Transsibérien", écrit en 1913, et dans lequel il semble nous adresser à distance un vrai clin d'oeil.
Je cite approximativement : le héros raconte son voyage dans le Transsibérien avec des marchands pour voisins et "l'un d'eux transportait une caisse de tire-bouchons de Sheffield..."





Blaise Cendrars, La Prose du Transsibérien".
(Extrait)

Peut-être une caisse de Thomason en route pour la Sibérie ?
Je rêve, ... un beau rêve de collectionneur !


Q. Une grande diversité dans votre collection en effet, mais comment l'organisez-vous ?

R. Tout modèle inconnu, toute variante trouve sa place dans ma collection.
Chaque fois que possible, je classe en fonction de la présentation la plus valorisante : souvent par thème, par matière ou par couleur.
Je n'ai pas adopté la "SCReWBase" de nos amis américains.
Par manque de vitrines, j'ai multiplié la présentation sur plateaux, que je superpose comme chez les bijoutiers .



"La chine est un authentique et merveilleux divertissement"



Q. Quels lieux ont votre préférence pour acheter des tire-bouchons et lesquels conseilleriez-vous aux nouveaux collectionneurs : salles de ventes, antiquaires, brocantes, Internet...

R. Avant Internet, nous pratiquions surtout la chine en brocante. Aujourd'hui, les brocantes de bord de route disparaissent, nos réseaux de marchands ne fonctionnent plus. Restent les vide-greniers, les marchés de brocante, les salles, les salons, les Clubs et bien sûr Internet.
Les tire-bouchons sont partout, à nous de les débusquer, chacun à sa façon.

La chine se pratique seul, Marc !
... même s'il a pu nous arriver de nous rencontrer, comme aux Puces de Vanves ou à la Réderie d'Amiens.




Rencontre à la Réderie d'Amiens.
Mon épouse avait pris la pose, il ne me restait plus qu'à prendre la photo !


Partir le matin à l'aube pour un marché de brocante est pour moi un moment de rare qualité.
Je rêve de découvertes, de rencontres, d'échanges. Arrivé sur place, tous mes sens sont en éveil, prêts à toutes les aventures.
Au retour, de nouveaux plaisirs m'attendent encore : nettoyage, recherche d'informations et enfin - et surtout - partage des découvertes avec les amis collectionneurs.
Pour moi la chine est un authentique et merveilleux divertissement que je recommande aux nouveaux collectionneurs.


Q. Justement, pourriez-vous nous raconter un de ces instants de chine qui nous émerveillent tous un jour ?

R. Je pense immédiatement à une belle histoire de rencontre.
C'était en 1985, nous habitions alors Nantes et comme tous les samedis matins entre 07 heures et 09 heures, j'arpentais le Marché aux Puces de la Place Viarmes.
Un autre chineur, apparemment bien connu des marchands, semblait intrigué par mes recherches et tenta de m'approcher. 
Sans succès : je me comportais en chasseur solitaire et anonyme !
Mais quelques semaines plus tard, face à un stand, je vis notre chineur manipulant un tire-bouchon. Lui aussi me vit et considérant mon intérêt pour l'objet qu'il avait en mains, me dit : "Il est pour vous, je vous le laisse !"
Le chineur s'appelait... Guy Olive ! Et ce geste fut le point de départ d'une surprenante rencontre.
Séduit par ma collection que je l'avais invité à découvrir, il abandonna très vite sa propre collection d'armes pour se consacrer lui aussi aux tire-bouchons.
Le virus attrapé ce jour-là ne l'a plus quitté au point qu'il est très vite devenu un expert, et que son expertise est mondialement reconnue .
Quant à notre amitié, elle n'a jamais cessé depuis et j'attends toujours avec grand plaisir nos rendez-vous téléphoniques, chaque dimanche soir à 19 heures !



Participer à un club, c'est joindre l'agréable à l'utile !


Q. Vous faites partie des fondateurs du CFTB en 1995. Pouvez-vous évoquer les débuts de cette aventure ?

R. Sans le CFTB, nous ne serions pas tout à fait ce que nous sommes aujourd'hui. Le Club est un remarquable catalyseur de la connaissance, du dialogue, du partage et de l'amitié.
Dès sa création, une vague passionnelle nous a emportés. Les découvertes se succédaient, les recherches de Guy Olive et de Gérard Bidault nous stimulaient .
L'esprit du Club était né.
C'était le début d'une belle aventure humaine où les liens d'amitié sont devenus très vite plus forts que les tire-bouchons.


Q. Et aujourd'hui ?

R. L'esprit club se poursuit à Paris, chaque premier mardi du mois : les collectionneurs d'Île-de-France et ceux qui passent par la Capitale ont l'habitude de se retrouver au restaurant pour examiner les trouvailles du mois et parler tire-bouchons.
Ce n'est pas vraiment un hasard si les membres d'un tel Club aiment la table, le vin, et cultivent la convivialité !


Q. Faites-vous aussi partie d'autres clubs ? Et si oui, pourquoi ?

R. Je suis membre du "Canadian Corkscrew Collectors Club" (CCCC), le Club Canada-USA et également de "l'Associazione Italiana Collezionisti Cavatappi" (AICC), le Club italien.
Les réunions offrent le plaisir de voyager, parfois très loin, et surtout de nouer des amitiés autrement inimaginables.


Q. Vous avez constitué une collection de premier plan, accumulé aussi documentation et ouvrages de référence dans une bibliothèque exhaustive : les livres vous sont chers ! Avez-vous participé à l'écriture d'ouvrages sur les tire-bouchons ? 

R. Je dois mon premier document de référence sur les tire-bouchons français à Jo Paradi, le plus célèbre d'entre nous .
La publication, en 1981, du Watney-Babbidge m'a conforté dans le choix de cette collection.
Je tiens aussi à rendre un hommage particulier à notre ami Gérard Bidault pour ses années de recherche et son talent d'enquêteur. Son travail sur les fabricants français restera dans les annales.



Les auteurs références :
Paradi, Watney et Babbidge, Bidault.


La grande richesse du CFTB, c'est la diversité de ses membres.
J'admire ces nombreux collectionneurs qui nous font profiter de leurs connaissances.
Personnellement, je n'ai jamais fait de recherche de brevets. Par contre j'ai souvent fourni des photos ou documents pour la réalisation d'ouvrages sur les tire-bouchons.



"Enivrez-vous, de vin, de poésie ou de vertu... !"


Q. Nous sommes aujourd'hui à un tournant de l'hélixophilie : la génération des fondateurs est vieillissante, mais nous rencontrons aussi de plus en plus de nouveaux collectionneurs. Quel message passeriez-vous aux jeunes collectionneurs pour les aider dans leurs débuts ?

R. Pour les jeunes collectionneurs, je leur dirais bien de relire le merveilleux poème de Baudelaire : "Enivrez-vous, de vin, de poésie ou de vertu... !"
Mais je leur dis surtout de retenir le meilleur des expériences des fondateurs et de se grouper pour partager les connaissances, l'amitié, les plaisirs. Je leur conseille d'entretenir leur curiosité, d'acheter souvent selon leur impulsion et... d'explorer d'autres collections !



Vivre passionnément !


Q. Vous êtes un collectionneur chevronné et pourtant aussi passionné qu'un néophyte : quel est donc votre secret ?

R. Les collectionneurs méconnaissent leur chance. Un ami psychiatre me disait avoir constaté l'absence de collectionneurs dans sa patientèle.
Partager une passion, voilà le remède !!


Q. Vous êtes, je crois, multicollectionneur et m'avez souvent dit lors de nos rencontres l'intérêt que vous verriez à voir présentées les autres collections des uns et des autres. Pouvez-vous nous parler de vos autres collections ?

R. C'est vrai, je l'avoue, je suis touché par la délicieuse maladie de la collection. Je me suis intéressé aux fils à plomb, aux porte-montre muraux, aux colliers de carafe, aux plaques de métiers, etc …
Je n'en dirai pas plus. Ces collections sont malgré tout secondaires. Ma vraie maladie c'est celle du tire-bouchon, dont je ne guérirai pas, à voir le clin d'œil de mon chirurgien quand, il y a quelques années, il a dû glisser dans mes coronaires des petits ressorts tire-bouchonnés appelés Stents...


Q. Tout n'a pas pu être dit bien sûr, mais j'aimerais vous laisser le mot de la fin...

R. Ce que je n'ai pas dit :
Je suis à un moment où je dois commencer d'envisager une séparation amoureuse après plus de 40 ans de passion.
Je ne souhaite pas laisser à mes enfants un rôle de "liquidateurs".
J'aimerais leur éviter le poids de la charge affective et les difficultés de négociation sur la valeur de "ces objets de bon sens qui retirent l'obstacle au plaisir " (dixit Guy Olive).

Un jour viendra où il faudra tourner la page : je préférerais la tourner moi-même !



-/-


La rencontre avec Alain, c'est la rencontre avec "le vrai honnête homme, celui qui ne se pique de rien", cher au mémorialiste François de la Rochefoucauld...



M


1 commentaire:

  1. Fabuleux ... Il ne te reste plus qu'à créer une fondation, lever les fonds necessaires à la création du Musée International du Tire-bouchu . Bisous . François

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