mardi 14 novembre 2017

PERILLE, TREBUTIEN, PECQUET, BOILEAU : TIRE-BOUCHONS A HELICE.. OU A REACTION ?




Amis hélixophiles, bonjour !


Quand un tire-bouchon à hélice me fait réagir... 
Faut-il alors parler encore d'un tire-bouchon à hélice ou d'un tire-bouchon à réaction ?



Les tire-bouchons à hélice.


Depuis longtemps mes tire-bouchons à hélice sont exposés réunis tout près de moi, compagnons familiers de mon quotidien.
Beaucoup sont du type "Ménagère" de PERILLE, avec des hélices à trois pales, solidaires de la cloche.



Tire-bouchons à hélice, publicitaires
(collection personnelle)


Parmi ceux-là, j'ai réservé un secteur aux tire-bouchons  publicitaires, rapprochant ainsi :
- des entreprises non identifiées comme WITHO (mais le tire-bouchon n'est-il pas une version allemande ?), 
- la ville ou l'eau de VICHY,
- des importateurs comme le vignoble américain BEAULIEU-VINEYARD, 
- ou des grands magasins d'autrefois : A LA MENAGERE (à l'origine du nom générique donné à ces tire-bouchons),  AU LOUVRE, le GRAND BAZAR de LYON, ou plus tardivement la MANUFACTURE FRANÇAISE DE SAINT-ETIENNE... enfin le B.HV. (BAZAR DE L'HOTEL DE VILLE).

Prenant en compte leurs traits communs, malgré quelques différences d'aspect ou de marquage, je voyais là comme une grande fratrie, oeuvre de Jacques PERILLE ou de ses successeurs.

J'ai déjà évoqué ici l'exception du BEAULIEU-VINEYARD, non estampillé PERILLE, et qu'on peut cependant considérer comme légitime. 
Cf. :


Mais il y avait "un vrai mouton noir dans la famille"...
Le tire-bouchon B.HV., sans marque de fabricant, n'est pas un PERILLE ! 


-/-


De l'hélice à la réaction...


Le tire-bouchon à hélice B.HV. m'a toujours paru très commun au point de me laisser "sans réaction" quand j'en voyais un en brocante. 
J'en ai pourtant acquis un second exemplaire il y a quelque temps, perdu au milieu d'un petit lot.

Et c'est alors qu'est venu le temps de "la réaction", de la mienne en tout cas !

Avec cette acquisition, l'incertitude - liée à la forme de la tête et à la différence de style dans le marquage - allait pour moi être définitivement levée.



(Collection personnelle)


Sur une face de la tête, le marquage publicitaire est le même que celui de mon premier tire-bouchon : B.HV. dans un ovale, mais un marquage figure aussi sur l'autre face : AP, également dans un ovale.
... AP, comme Adolphe PECQUET, mais le logo ovale est postérieur. C'est celui qu'Amédée BOILEAU avait choisi de conserver après le rachat de la manufacture de PECQUET en 1910.
Gérard BIDAULT nous apprend dans son livre référence "Les tire-bouchons français" que :
"entre les années 1935 et 1945, l'hélice à trois branches ménagère AP représente à elle seule 50 % des ventes de tire-bouchons" de la maison BOILEAU...


Notre "mouton noir" n'est pas un PERILLE, mais un BOILEAU !


-/-


Chronologie PERILLE, TREBUTIEN, PECQUET, BOILEAU...


Comment était-ce possible ? Il fallait interroger la chronologie pour élucider plus complètement cette question.

Jacques PERILLE avait demandé le 15 avril 1876 et obtenu le 16 juin 1876, sous le numéro 112.465, un brevet pour un "tire-bouchon" qui est manifestement notre tire-bouchon à hélice.
Mais c'est seulement le 28 octobre 1877 que PERILLE déposait le nom "tire-bouchon à hélice" comme marque de fabrique.

Entre-temps, la concurrence s'était déjà engouffrée pour fabriquer des modèles semblables et notamment Louis-Eugène TREBUTIEN auquel PERILLE avait alors intenté - pour finalement le perdre -  un procès en contrefaçon.
Parmi les attendus de la Cour d'appel de Rouen, instituée en Cour de renvoi, et statuant le 03 mars 1882, on peut lire notamment que :
"Le droit privatif revendiqué par Pérille ne pouvait être réservé que par la formalité nécessaire d'un dépôt préalable. Or Pérille a livré à la publicité et vendu lui-même avant l'accomplissement de la formalité, le modèle ou dessin qu'il revendique actuellement. Son dépôt tardif, fait en vue de la poursuite, et après qu'il ait laissé tomber ce dessin dans le domaine public, le rend non recevable à exercer une action en contrefaçon de ce chef."

Si le procès PERILLE-TREBUTIEN vous intéresse, je vous invite à en retrouver le feuilleton plein de rebondissements dans mon article :


Louis-Eugène TREBUTIEN pouvait donc fabriquer en toute légalité des tire-bouchons similaires à celui de PERILLE. 
L'ultime pourvoi en cassation de PERILLE  fut rejeté le 26 janvier 1884.
Mais TREBUTIEN était décédé en 1883 et son entreprise avait été reprise par Alphonse PECQUET.


PECQUET commercialisa d'emblée des "tire-bouchons à hélice", comme l'atteste cette page de son premier catalogue, daté de 1887.



Premier catalogue PECQUET 1887
(documentation personnelle).


Le modèle 2517, en haut à gauche, est présenté comme "tire-bouchon à hélice", avec "3 branches nickelées". La seule différence avec le modèle de PERILLE concerne les extrémités "échancrées" de l'hélice. 
Il s'agit probablement du modèle TREBUTIEN, objet du litige avec PERILLE.

Après la reprise de l'entreprise PECQUET par Amédée BOILEAU en 1911, ce dernier continua de fabriquer avec la même référence, le modèle 2517, un tire-bouchon muni d'une hélice, simplement débarrassée de ses extrémités "échancrées".



Extrait du catalogue BOILEAU 1935
(Source : Les tire-bouchons français de Gérard BIDAULT).


Et la boucle fut bouclée en 1938 quand Amédée BOILEAU racheta le fonds de commerce des "anciens établissements J. PERILLE" : 
le tire-bouchon à hélice inspiré de Jacques PERILLE fut alors légitimement fabriqué par les propriétaires de la marque !



Hélice et réaction, donc !



M







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