mercredi 27 mars 2024

WHO'S WHO : FRANÇOIS TOUZIN

 

Amis blogueurs, bonsoir !


Je vous propose aujourd'hui une nouvelle interview, celle d'un collectionneur  citoyen du monde : François Touzin.


WHO'S WHO DE L'HELIXOPHILIE :
FRANÇOIS TOUZIN



François contemplant son premier tire-bouchon, 
bien entouré par une partie de la collection.


Courtois, élégant, on se dit à la première rencontre avec François, que cet anglais-là manie vraiment la langue française de manière impeccable... sauf que bien sûr on a tout faux !
François ne fait rien comme les autres : sa vie a commencé un premier janvier, et s'il est bien français, il est né aux antipodes, a étudié en Suisse, épousé Mia la Suédoise, travaillé à Sydney et à Londres...

Je lui ai posé mes questions rituelles par mail et François a bien voulu rédiger ses réponses... Toujours aussi pratique !



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François, pourrais-tu te décrire en quelques lignes : origines, année de naissance, lieu de vie, situation familiale, profession exercée et secteur d'activité... ?

Je suis né le 1er Janvier 1952, à Tananarive, Madagascar, de parents français. Mon père était originaire du Poitou. Ma mère, était née en Indochine, d’un père Savoyard et d’une mère Bourguignonne. 

Professionnellement, je me suis destiné à l’hôtellerie internationale de luxe et ai  exercé sur deux continents. 
Suite à mon diplôme de l’école hôtelière Glion de Montreux, en Suisse, au début de ma carrière, je me suis passionné pour la restauration car elle offre à celui qui est motivé de culminer dans des postes de directeurs d’hôtels en fin de carrière.
La maitrise de la langue anglaise étant essentielle pour progresser dans mes objectifs, j'ai choisi Londres comme première destination étrangère en 1976.

J’ai connu mon épouse Mia, originaire de Suède, à notre école hôtelière.
Modestement, je dois dire que nous avons, Mia et moi-même, bien réussi dans nos professions hôtelières, tout en élevant nos trois enfants nés à Londres et Sydney en Australie. 

Retraités nous résidons à la fois à Londres, en Poitou et l’été en Suède.
 
 
A l'origine d'une collection, il y a souvent un événement déclencheur : qu'est-ce qui t’a amené à collectionner les tire-bouchons ?

L’événement déclencheur est très simple. À Londres, un jour de 1977 dans un restaurant où le client pouvait amener sa bouteille de vin contre un droit de bouchon, je me suis retrouvé bêta car j’avais oublié à la maison le sommelier pour ouvrir ma bouteille. 
"Aucun  souci, me dit le restaurateur, il y a un antiquaire juste en face et il vend des tire-bouchons : vous y trouverez sûrement votre bonheur. 
Il ne croyait pas si bien dire : ce fut le départ de la collection... et de ma passion pour les objets du vin.
 
 
Et as-tu gardé ce premier tire-bouchon ?
 
Bien sûr, pas question de m'en séparer ; on le voit entre mes mains dans la première photo, mais le voici en gros plan :


Simple et élégant tire-bouchon anglais en "T", 
fin XIXe siècle.


Combien de tire-bouchons estimes-tu posséder ?
 
Aujourd’hui, je pense posséder aux alentours de 350 ou 360 tire-bouchons, tous pays, tous modèles confondus, 70 ou 80 couteaux multifonctions, à quoi il faut ajouter ma collection sur le thème du Champagne. 

J’ai eu jusqu’à 1300 tire-bouchons avant mes deux ventes de Londres en 2020 et de Tours en 2022. Mais j'ai resserré ma collection et suis à la fois plus sélectif et plus éclectique aujourd'hui.


Et parmi tous ceux que tu as gardés, lequel est ton préféré ?

Je ne me séparerai jamais de mon premier tire-bouchon acquis en 1977, je l'ai déjà dit. Mais un autre me plait particulièrement : mon grand-père paternel qui fonda la coopérative agricole de Charroux (86) était aussi marchand de vin et j’ai un sommelier au nom de son affaire que je chéris particulièrement.



Bon sang ne saurait mentir !


As-tu eu une préférence pour une catégorie de tire-bouchons ? Et si oui, laquelle et pourquoi ?

Au tout début d’une collection, quelle qu’elle soit, on « ramasse » un peu tout ce qui se présente sans faire trop attention, sans vraiment connaître en profondeur ce que l’on a trouvé. Et puis progressivement on se renseigne, on recherche, on étudie, on parle aux copains, on devient pointilleux, et on apprend à sélectionner ce qui nous parle le plus, ce que l’on aime particulièrement.

Aujourd’hui, j’ai plutôt une préférence pour les tire-bouchons XVIIIe jusqu’au milieu du XIXe,  qu’ils soient simples, figuratifs, de poche ou à mécanisme.
Je recherche le qualitatif plutôt que le quantitatif, l’opportunité. Je sélectionne mon achat en fonction de ces préférences.
Parfois je rentre bredouille de brocante, mais c’est ainsi.

Amateur de vins, je m’intéresse aux objets autour du vin ; tire-bouchons, plaquettes émaillées, étiquettes de cave, vieilles bouteilles soufflées main, vieux millésimes, menus. Et, bien sûr, le thème du champagne, ce qu’il y a de plus chic, français et luxueux !
Je pense aussi qu’une collection doit être représentative d’époques, des pays producteurs de tire-bouchons. 
Certains collectionneurs ne font qu’un pays, qu’une manufacture, qu’un thème précis, etc… pas moi car je pense qu’une collection, qu’elle soit de timbres, de boîtes à priser, de clefs, etc… doit être représentative de la profession à travers les âges, les pays, les techniques…. C’est cela qui la rend intéressante et passionnante !


Quels lieux ont ta préférence pour acheter des tire-bouchons et lesquels conseillerais-tu aux nouveaux collectionneurs : salles de ventes, antiquaires, brocantes, Internet...

Habitant Londres, la France, la Suède, un enfant à Bali, une autre en Suisse, j’ai la chance de faire de beaux déballages qui parfois m’apportent de belles pièces. Mes voyages professionnels et personnels à l’étranger m’ont aussi beaucoup apporté.

Aujourd’hui je privilégie l’opportunité d’achat. 
Je n’achète pratiquement pas en salles de ventes car le coût plus la commission font s'envoler les prix, bien qu’il y a toujours des affaires à faire !  J’aime faire les brocantes et puis elles vous font marcher ! J’ai toujours eu d’excellents rapports avec les marchands qui parfois ont de belles surprises et il faut savoir les remercier.

Parfois, je me positionne sur eBay, mais il faut être méfiant, bien sélectionner le vendeur et poser beaucoup de questions sur la pièce ? J’écarte systématiquement tout vendeur qui refuse les retours.

Mon conseil aux nouveaux collectionneurs : si vous allez à l’étranger, prenez du temps pour chiner. Avant votre départ, contactez un copain du pays, l’office de tourisme, le concierge de l’hôtel et posez les questions sur les déballages à venir pendant votre séjour.

 
Le phénomène majeur de notre génération est l'irruption du numérique dans notre quotidien. Utilises-tu ces nouvelles technologies pour acquérir ou vendre ? ou bien utilises-tu l'informatique pour classer ta collection ? 

Il faut savoir vivre avec son temps et comme la plupart d'entre nous, il m'arrive d'acheter sur internet. L’onglet « achat immédiat » de certains sites de vente en ligne réserve bien des surprises…
Je ne vends qu’aux copains des clubs auxquels j’appartiens ou par vente aux enchères.
Mais je privilégie vraiment les brocantes, les déballages sur le terrain car je trouve beaucoup plus de plaisir à marcher et converser avec les marchands, ouvrir les yeux, trouver la perle rare.

Par contre, je n’utilise pas l’informatique pour classer ma collection, mon calepin me suffit.
 
 
Peux-tu nous raconter une ou deux anecdotes qui ont marqué ta vie de collectionneur : rencontre, scène de vie, trouvaille inespérée... ?
 
J'en ai vraiment beaucoup, mais voici quelques trouvailles inespérées :
En Suisse, dans le Canton du Valais, j’ai chiné le tire-bouchon "Manivelle" de J. Perille. La petite boule en bois en bout de bras était manquante, un ami cher du Club a pu le restaurer à l’identique. Super sympa la camaraderie et ça reste pour moi un beau souvenir.
Une autre fois, toujours en Suisse, je suis rentré d’un déballage avec un tire-bouchon hélice à trois branches marqué "JP" sur la poignée. Au retour, j'ai examiné de plus près mon achat pour découvrir que ce "JP" n’était pas notre Jacques PERILLE, mais Jules PIAULT !  Un modèle rare et recherché par les collectionneurs !
À Marrakech dans le souk, j'ai trouvé un TRAIFOR pour une poignée de dirhams*
Lors du congrès du CFTB à Paris en 2000, j’ai achété sur un stand un tire-bouchon à  hélice cloche ressort fermée marqué JB (pour BOUÉ) et... 20 mètres plus loin sur un autre stand, un autre marchand,  j'ai trouvé la boîte d’origine !
BOUÉ encore, j'ai trouvé récemment, tout près de chez nous en France, chez un antiquaire, un tire-bouchon mécanique de J-B BOUE marqué BREVETÉ correspondant au brevet no 187 205 de 1888. Cloche ronde à deux balustres, inconnue à ce jour.

Et je ne te parle que tire-bouchons, je pourrais raconter d’autres superbes découvertes concernant les objets du vin…

Mais j’ai aussi fait des "âneries" comme tout le monde et trop payé pour certains objets dont des tire-bouchons, mais quels plaisirs ils m’apportent ! 
 
* NDLR : un dirham correspond à 9.2 cents d'Euro !
 

Quel sens revêt pour toi ta collection : un challenge personnel ? un sujet d'études ? un investissement ? une occasion de rencontrer des gens partageant ta passion ?...
 
Je dirai tout simplement que j'y ai été poussé par mon métier d’hôtelier. Les objets du vin y occupent une place centrale ce qui m'a poussé vers ces collections ; ma curiosité naturelle pour les beaux objets a fait le reste !
Et puis la collection, c'est pour moi, un vrai sujet de conversation : les copains, les invités qui viennent à la maison sont toujours admiratifs des présentations, thèmes. De plus les objets du vin sont une source inépuisable où l’on revient encore et encore.


Es-tu un "collectionneur vitrine" ou un "collectionneur placard". Autrement dit, comment présentes-tu ta collection ?

Je suis les deux : "étagères et placards" ! Ci-joint quelques photos ou sont présentées mes merveilles. Comme pour beaucoup d’entre nous, la place disponible de la maison est aussi à partager avec ma famille, donc je me restreins. 
Les étagères sont en escaliers à trois marches pour la présentation des tire-bouchons. Dessous dans les tiroirs, les autres modèles sont rangés. 



Collectionneur vitrine "et" placard !



Le tableau Nicolas : une composition personnelle de François.


Chaque année je change la présentation des modèles ce qui me permet aussi de faire le point sur mes collections.
J’aime aussi marier les thèmes de mes collections. Par exemple, je mets en valeur mes vieilles bouteilles soufflées main avec des tire-bouchons de la même époque, des verres à vin, des plaquettes émaillées et j’aime prendre du recul et contempler ces objets qui me parlent et me font plaisir. 
Ils animent mon espace collections.



"J'aime marier les thèmes de mes collections"

Je sais que toi aussi tu aimes les bouteilles anciennes : regarde cette rangée qui montre l'évolution de leur forme : la bouteille de gauche est fin XVIIe tout début XVIIIe siècle et celle tout à droite plus cylindrique est tamponnée RHC 1815.
Ce sont toutes des bouteilles anglaises, très recherchées des collectionneurs.
Tu remarqueras sûrement aussi la faute d’orthographe sur la plaque "champaigne" au lieu de "champagne", faute phonétique typique d’un anglais qui prononce Champagne et qui donc ajoute un « i » sans vérifier bien sûr.


Nous sommes aujourd'hui à un tournant de l'hélixophilie : la génération des fondateurs est vieillissante, mais nous rencontrons aussi de plus en plus de nouveaux collectionneurs. Quel message leur passerais-tu pour les aider dans leurs débuts ?
 
Mes conseils aux nouveaux collectionneurs ?
Un ami cher me disait : "A partir de six objets d’un même sujet, on a commencé une collection". Est-ce votre cas ? Si oui, alors vous êtes déjà collectionneur !
Et vous êtes sûrement parti pour une longue quête : sans vouloir vous faire peur, une belle collection se construit sur plusieurs décennies.
Être collectionneur ? Je pense qu’avant tout, il faut être quelqu’un de curieux, passionné, avoir le désir d’acquérir, être excité, ouvrir les yeux, poser des questions.
En brocante, ouvrez grand les yeux, n’ayez pas peur de vous salir les mains en fouillant au fond des caisses, des trésors vous attendent…
Il faut aussi s’instruire, apprendre sur vos sujets de collection. Je vous invite à visiter et revisiter le plus de musées possible ou vous pouvez vous enrichir sur les thèmes que vous aimez, que ce soit les tire-bouchons ou d’autres objets de collection. En France, nous avons de magnifiques musées riches en objets et histoire. Lisez des livres, prenez des notes, des photos.
Construisez votre bibliothèque. J'ai pour ma part des tas de livres sur ces sujets, livres que je trouve passionnants et si riches en photos. La recherche est aussi importante, sinon plus importante que la pièce même.
Enfin, essayez de rejoindre un club de collectionneurs : vous vous y ferez des amis et ils vous feront progresser ! On collectionne parce qu’avant tout, ça nous parle, ça nous fait du bien. Un des grands bienfaits pour moi a aussi été les excellents rapports que j’ai eu avec mes collègues collectionneurs, les réunions de nos clubs, la solide amitié qui nous lie.
Retenez aussi que vos collections seront construites en fonction de vos moyens et de votre temps disponible. À chacun son rythme , ses moyens et aspirations. 
Je crois sincèrement que comparer deux collectionneurs, deux collections est absurde. Votre collection vous sera personnelle : c'est vous qui la construirez et c'est vous aussi qui la démantèlerez peut-être un jour, à moins que quelqu’un dans la famille la reprenne, ce qui est rare. A vous de préparer et définir le legs de vos collections, c’est très important.
Pour ce qui me concerne et comme indiqué précédemment, je collectionne les objets autour du vin, pas seulement les tire-bouchons et aussi maintenant les anneaux porte-clefs.



As-tu écrit ou participé à l’écriture d’ouvrages ?

Je suis membre du CFTB (Club Français du Tire-Bouchon) depuis 1995 et participe activement aux parutions de l’Extracteur avec quelques articles. Il en est de même pour les autres clubs dont je suis membre : CCCC (Canadian Corkscrew Collectors Club) et le club Anglais, ABCDE (Association of. British Corkscrew Devotees and. Enthusiasts).
J’ai aussi contribué à de nombreux livres sur les tire-bouchons où figurent certains de mes tire-bouchons, ou des objets sur le thème du Champagne.
En fait, j'aime beaucoup ces clubs aux Intérêts multiples : contacts, amitiés, échanges, rencontres, congrès, assemblées générales, revues...
Et je viens de terminer la rédaction d'un livre, mais sur mon autre collection, celle des anneaux porte-clefs...


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Last, but not the least, le livre de François Touzin !


En voici le titre, bilingue, et la "Une" de couverture :

Collecting Key rings / Collectionner les anneaux porte-clefs
A practical yet unusual pursuit / Un passe-temps pragmatique et insolite.






Tu nous racontes, François ?

Alors que je cherchais des tire-bouchons anciens au marché des antiquaires de Portobello à Londres, un samedi matin de 2010, je suis tombé sur une trouvaille surprenante, sur la table d’un marchand. C’était un « chapelet » d’anneaux en métal. J’appris que ces anneaux étaient des anneaux porte-clefs anciens et dataient des 19ème et 20ème siècles.
Ce type d'objets ne pouvait qu'interpeller l'hôtelier que je suis resté dans l'âme !
Ce fut le départ de nouvelles recherches, d'une nouvelle collection. 

Un rapport avec le tire-bouchon ? Bien sûr, il existe plusieurs modèles anglais de tire-bouchons de poche comportant un tel anneau rond fendu/brisé en métal qui pouvait être utilisé comme poignée avec un ou deux doigts pour retirer l’obstacle au plaisir…. En 1878, l’Anglais George Willetts dépose un modèle de poche multifonction de tire-bouchon et clef pour ouvrir une porte cochère. 



Le modèle de Georges Willetts


J’ai recensé tous pays confondus 12 modèles déposés et 71 modèles brevetés sur la période de 1851 à 1979 et les présente dans mon livre avec illustrations de ma collection et extraits de catalogues français de nos manufactures d’acier poli aussi bien que de catalogues étrangers. 116 pages au total.
Précisons qu'il ne faut pas confondre "l'anneau porte-clef" avec "l’anneau de la clef" qui est la partie que l’on tient entre les doigts pour insérer celle-ci dans la serrure.
Précisons surtout que je n’étais pas intéressé par les porte-clefs modernes ni par les exemplaires publicitaires modernes en plastique attachés au bout d’une petite chaîne qui sont disponibles par milliers.


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Sachez, amis lecteurs, que le livre de François est écrit en partie anglais et français et que c’est le premier ouvrage jamais écrit sur ce sujet aussi passionnant qu'insolite !
Vous pouvez vous le procurer en contactant l'auteur.
Il sera aussi disponible à la vente lors du prochain congrès du CFTB à Clermont-Ferrand les 6 et 7 avril au prix de 25 € l’unité.

Profitez de sa lecture pour rejoindre François et devenir vous aussi un "CLAVICARIOPHILE".




 

Merci pour cet échange, François, et plein succès pour la vente de ton ouvrage (dont tu me réserveras et dédicaceras un exemplaire si tu veux bien !).




mercredi 20 mars 2024

EXPOSITION UNIVERSELLE 1855 : LIEGE ET BOUCHONS - 2. LA FABRICATION DES BOUCHONS

 

Amis blogueurs, bonjour !


Voici la deuxième partie du dossier proposé par Bernard Devynck à partir d'un article de L'Illustration, Journal Universel, paru dans le n° 651 du 18 août 1855, soit en pleine Exposition Universelle de Paris :


EXPOSITION UNIVERSELLE PARIS 1855 :  
LIEGE ET BOUCHONS
2. LA FABRICATION DES BOUCHONS


La première partie de l'article du journal était centrée sur l'exploitation du liège, la seconde traite directement de la fabrication des bouchons.


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Chapitre 2 : la fabrication des bouchons
vue par L'Illustration, Journal Universel.



Près de 10 ans sont nécessaires entre deux démasclages : l'écorce de liège gagne environ 3 mm par an et est récoltée quand elle atteint 3 cm d'épaisseur.



 Une épaisseur de liège minimale de 30 mm.


Ouvriers coupeurs et tourneurs


Les ouvriers coupeurs tranchent le liège nettoyé et étuvé, en bandes puis en carrés, comme autant de gabarits. Puis vient le tour des ouvriers tourneurs qui, râpe à la main,  donnent leur forme aux bouchons.



La gravure de l'Illustration montre le façonnage à la main : pas vraiment une technologie de pointe à présenter dans une Exposition universelle ! 
Rien n'a encore changé depuis l'encyclopédie de Diderot et D'Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, publiée un siècle plus tôt (entre 1751 et 1772) et qui consacre une planche au travail et à l'outillage des bouchonniers :



Pourtant, dès le début du XVIIIe siècle, des machines sont mises au point.
L'Encyclopédie méthodique Agriculture, de l'Académie royale des sciences, par Tessier, Thouin & Fougeroux de Bondaroy, publiée entre 1787 et 1821, en fait état : "une machine a été inventée, il y a peu de temps, au moyen de laquelle on fabrique les bouchons avec une rigoureuse perfection et une grande rapidité. Elle ne m'est connue que par ses résultats."
On trouve notamment dans les archives de l'INPI, un brevet accordé le 31 juillet 1816, à Guyaux dit Duras et Maupassant de Rancy, à Paris, pour des "machines destinées à fabriquer des bouchons de liège de toutes dimensions", dont un "découpoir" et une "machine mécanique à tourner les bouchons" :


Machine mécanique à tourner les bouchons de 
Guyaux dit Duras et Maupassant de Rancy (INPI).


L'article donne les salaires des ouvriers, tous payés à la tâche, et sensibilise au passage au déchet causé par le raclage : 100 kilos de liège ne donnent que 25 kilos de bouchons et les 75 kilos de déchet "forment des copeaux d'une mauvaise combustion et presque sans valeur"... l'isolation au liège n'est pas encore d'actualité !




Le tri





Dans les deux gravures suivantes, on voit s'activer les ouvrières et les ouvriers chargés du tri, mais on peut voir aussi le "purgatoire", le "comptoir portatif" et... le crucifix !


Le conditionnement des balles de bouchons







Lourds paniers après lourds paniers, de grands sacs - les "balles" - sont remplis et pressés à la "bille", tassés et battus encore pour perdre le moins d'espace possible, puis survient la pesée (cf. arrière-plan de la dernière gravure), dernière étape avant l'expédition.


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Je contemple ces gravures et me demande, rêveur, combien de bouteilles pourraient être bouchées avec tous ces bouchons et combien de tire-bouchons seraient ensuite nécessaires à leur extraction ?
Encore une fois : merci à Bernard Devynck pour nous avoir offert ce dossier finalement très pédagogique !



M


jeudi 14 mars 2024

EXPOSITION UNIVERSELLE 1855 : LIEGE ET BOUCHONS - 1. L'EXPLOITATION DU LIEGE


Amis blogueurs, bonjour !


Pas de tire-bouchons sans bouchons...

C'est le thème du dossier que nous propose aujourd'hui Bernard Devynck, ami hélixophile :

EXPOSITION UNIVERSELLE PARIS 1855 :  
LIEGE ET BOUCHONS
1. L'EXPLOITATION DU LIEGE


Nous partagerons en effet ce dossier en deux articles :
Première partie : 1. L'EXPLOITATION DU LIEGE
Deuxième partie, à suivre : 2. LA FABRICATION DES BOUCHONS


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L'Exposition Universelle de 1855


Remettons-nous tout d'abord dans le contexte :

La France du XIXe siècle organisait des expositions nationales valorisant les progrès techniques et économiques tous les cinq ans depuis 1834. La quatrième, celle de 1849, fut visitée par le prince Albert, époux de la reine Victoria. Il en reprit l'idée qui aboutit en 1851 à la Great Exhibition de Londres, organisée au Crystal Palace édifié pour la circonstance. 


Crystal Palace, Hyde Park, 1851 (Wikipedia).

Cette exposition fut la première à être ouverte au monde entier : l’Exposition Universelle était née. 

Napoléon III, autoproclamé empereur, ne pouvait que réagir : il décida que l'exposition nationale française devait se transformer en une manifestation exceptionnelle, l'original devant faire mieux que la copie. Reportée d'un an pour en permettre la préparation, la nouvelle exposition ne serait plus être nationale, mais internationale, le concours s’ouvrant aux produits de l'agriculture, de l'industrie et des beaux-arts du monde entier. De fait, 25 pays et leurs colonies participèrent à l'Exposition Universelle de Paris, sur les Champs-Élysées, de mai à novembre 1855, attirant plus de cinq millions de visiteurs. 


Palais de l'industrie des Champs-Elysées, 1855 
(Musée Carnavalet / Ville de Paris).


Cette première Exposition Universelle française fut notamment l'occasion de la "classification officielle des vins de Bordeaux de 1855", établie par la Chambre de Commerce de Bordeaux, à la demande de Napoléon III. Cette classification fut du même coup limitée aux vins de la rive gauche de la Garonne, les vins de la rive droite dépendant d'une autre Chambre de Commerce, celle de Libourne.

Mais ce n'est pas le sujet qui nous intéresse aujourd'hui. Bernard Devynck a retrouvé pour nous dans L'Illustration, Journal Universel, n° 651 du 18 août 1855 un article très illustré sur "L'exploitation du liège et la fabrication des bouchons" que nous nous proposons de remettre en page et de reproduire.


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Chapitre 1 : L'exploitation du liège 
vue par L'Illustration, Journal Universel.


L'article est illustré par Henri Valentin (1820 - 1855 !), dessinateur et graveur, à partir des croquis de Pierre Letuaire (1798 - 1885), peintre et caricaturiste toulonnais et correspondant de presse pour le magazine L'Illustration. Pierre Letuaire s'est inspiré de dessins fournis par Eugène Gallice, patron d'une bouchonnerie dans le Var. 

La bouchonnerie Gallice, située au Cannet-du-Luc (aujourd'hui Le Cannet-des-Maures), est attestée depuis 1842 au moins, comme le montre la facture ci-après. 


Document acheté sur Delcampe.net
(Collection auteur)


La bouchonnerie fut dirigée par Gaëtan Gallice (1785 - 1867), auquel succéda son fils Eugène Antoine Gallice (1816 - 1868), puis la veuve de celui-ci, née Eulalie Marie Guiomar (1816 - 1881), et leur fils Eugène Gratien Marie Gallice (1853 - 1926).
Eugène Antoine Gallice, cité dans L'Illustration, fut poursuivi pour avoir pris les armes contre le coup d’État de décembre 1851. Gracié en 1853, il put cependant prendre la direction de l'entreprise au retrait de son père... et participer à l'Exposition Universelle de 1855 !


Le texte veut ouvrir le lecteur aux "particularités d'une industrie qui figure honorablement à l'Exposition Universelle, quoique ses produits soient insoucieusement rejetés dès qu'ils ont cessé de remplir leur office conservateur des liquides".




La première gravure nous propose une vue du démasclage des chênes-lièges dans une suberaie du massif des Maures.




Les gravures suivantes montrent les étapes qui suivent la récolte : stockage en piles impressionnantes, étuvage dans des chaudières, préparation des couteaux, découpage en bandes, puis en carrés.








Les gravures, traitées avec réalisme, nous renseignent sur la division du travail, entre contremaître, ouvriers et apprentis, sur les tenues vestimentaires des ouvriers, ainsi que sur les outils utilisés.

Le second chapitre, à venir dans les prochains jours, traitera de la fabrication des bouchons.



Merci Bernard !



M



lundi 4 mars 2024

THIONVILLE, 3 MARS 2024 : LES PREMIERES PUCES DE L'ANNEE


Amis blogueurs, bonjour !


Le printemps approche, les marchés aux puces redémarrent en Lorraine.
Après une première petite brocante samedi à Conflans-en-Jarnisy, je ne pouvais pas rater 

THIONVILLE, 3 MARS 2024 : LES PREMIERES PUCES DE L'ANNEE



Cette charmante marchande m'a vendu deux règles à calculer...
Photo Le Républicain Lorrain du 4 mars 2024


Les puces thionvilloises sont aussi fréquentées qu'hétérogènes : marchands semi-professionnels et occasionnels se côtoient dans ce qui est un marché de l'occasion autant que de belle brocante. 
Une clientèle de gens modestes venant s'équiper en vaisselle ou vêtements d'occasion se mêle à celle des passionnés d'histoire locale chinant vieux papiers et militaria, et à celle des collectionneurs d'objets scientifiques ou de curiosité, d'outils ou de jouets anciens. 
Bien sûr, nos voisins allemands et luxembourgeois ne sont pas en reste, eux qui sont venus en nombre pour cette reprise... les frontières donnent vite aux objets un caractère insolite, voire exotique !
Il y a aussi les badauds levés tard et qui viennent en fin de matinée humer l'ambiance, "s'encanailler" dans un milieu pour eux inhabituel ; il y a les familles qui marchent de front ; il y a les enfants qui réclament ; il y a les poussettes et il y a les vélos ; il y a les chiens qui promènent leurs maîtres...
Et puis il y a moi, qui rencontre et parle (trop) avec Gérard le collectionneur de clés à molette, Pierre-Michel et Jean qui se battraient pour un pied à coulisse, Carol qui chine les goodies, Gauthier à qui aucun vêtement sportif n'échappe ; et aussi sur leurs stands, François, Yacine, Ann, Camille, Vincent, Lorenzo... qui parfois ont des tire-bouchons pour moi. 

Alors, forcément, j'ai un peu acheté : pas de trésor, mais des petits plaisirs.


La pêche du jour !


Deux règles à calculer, un cochon tirelire à casser, quelques ustensiles de cuisine en aluminium, un petit étau ancien, deux belles clés, un petit marteau Peugeot Frères, un siphon à champagne et quelques tire-bouchons : 
- une harpe, 
- une poignée en cœur... mais qui donc fabriquait ce tire-bouchon ? je ne sais plus : aidez-moi !
- un inattendu multioutil marqué DECATINOX PARIS DEPOSE, déclinaison française d'un brevet américain de Louis Strauss en 1949, mais nous ne savons rien de la société DECATINOX !
- un tire-bouchon à cage ouverte, anglais sûrement, de Charles Chinnock peut-être ?
- trois extensibles + un qui n'est pas sur cette photo, mais nous allons en reparler.



Les tire-bouchons


Concernant les extensibles, commençons par dire que les vendeurs voulaient me faire plaisir et n'auraient pas bien compris que je boude des trouvailles qu'ils m'avaient gardées depuis des mois.
De mon côté, j'avais envie de retrouver mon bac à électrolyse, mon touret et sa broche, mes outils et de me remettre à nettoyer cette ferraille toute rouillée, ce que j'avais presque oublié après des mois d'inaction forcée !

Voici donc ces quatre extensibles, avec de gauche à droite :
- un "ZIG ZAG" des Etablissements Jules Bart, à la poignée en tôle emboutie, sans "décapsulateurs", marqué 1946,
- un "EX" de Boileau, non marqué,
- un "POLICHINELLE" à trois bras, non marqué, mais de la S.F.A.P.,
- un "TIRAX", non marqué, mais de Georges Thonon (brevet de 1935).
Tous quatre symbolisent l'engouement de l'époque pour les extensibles, après un demi-siècle de triomphe sans partage des tire-bouchons à hélice.


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Je pouvais rentrer chez moi, pas euphorique, mais agréablement satisfait : j'aurais de quoi raconter à mes petits-enfants que j'allais retrouver !



M





jeudi 29 février 2024

IL Y A 20 ANS : DES TIRE-BOUCHONS FIGURATIFS ET DES TIRE-BOUCHONS A CAGE DANS LA REVUE LA VIE DU COLLECTIONNEUR

 
Amis blogueurs, bonjour !


Sommé par mon épouse de faire un peu de place dans notre grenier, je me suis résolu à jeter les collections d'anciennes revues que j'entassais, parfois depuis plusieurs décennies. 
L'hebdomadaire La Vie du Collectionneur, aujourd'hui disparu, en faisait partie. Mais comment ne pas feuilleter ces revues avant de les jeter ? J'ai regardé les "Une" comme on regarde dans un rétroviseur et j'ai vu...

DES TIRE-BOUCHONS FIGURATIFS ET DES TIRE-BOUCHONS A CAGE


Deux numéros, vieux de plus de vingt ans, ont consacré un dossier aux tire-bouchons :
- le numéro 440 du vendredi 13 décembre 2002 titrait sur les Tire-bouchons figuratifs,
- le numéro 467 du vendredi 28 juin 2003 en faisait autant pour les Tire-bouchons à cage.



Les deux dossiers ont été réalisés avec le concours de Marc Poncelet, alors Président du Club Français du Tire-Bouchon.


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Le premier dossier montre la diversité des modèles figuratifs :
- les thèmes : personnages, métiers, caricatures, grotesques, érotiques, pisseurs, animaux (beaucoup de chiens et de chats), clés, ancres, instruments,
- les matières utilisées : fer, bronze, laiton, cuivre, aluminium, bois sculpté, noix de corozo, ivoirine...,
- les lieux de production : si la France est championne par la richesse de la production, l'Autriche (Hagenauer), l'Italie (ANRI), les Etats-Unis (prohibition) ne sont pas en reste.





L'échelle des prix n'a guère évolué pour les modèles les plus communs, la tendance serait plutôt à la baisse pour certains (les érotiques par exemple), mais les grotesques en noix de corozo, les poignées de bronze ou les Haguenauer ont vu leurs prix flamber depuis cette période bénie !


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Le second dossier s'ouvre sur les origines anglaises des tire-bouchons à cage (Henshall, Thomason, Loach, Osborne) et montre que les autres pays européens ont emboîté le pas aux XIXe et XXe siècles : France (Pérille, Coville, Guichard, Pecquet...), Allemagne (Becker, Scharff...), Italie (modèles rarement marqués).
L'échange porte ensuite sur la technicité de ces modèles, entre doubles pas de vis, crémaillères, leviers, ressorts, hélices...





Concernant les tire-bouchons à hélice, on notera le sous-titre : "Des origines parfois introuvables"...
Une citation plus complète s'impose ici : 
... "beaucoup de réalisations à hélice sont dépourvues de tout signe d'identification. Ceci tient aussi aux copies, souvent à l'identique, de modèles portant, eux, une marque de fabrique."
On trouve là la motivation de notre ouvrage :
Les tire-bouchons à hélice par Jean-Pierre Lamy et Marc Ouvrard.

Concernant la palette des prix, vingt ans après, les estimations données restent souvent valables pour ces tire-bouchons de moyenne gamme : quelques euros pour les modèles anonymes, 100 € pour certains Colombus, à partir de 150 € pour un type Thomason.


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Peut-être qu'après quelques autres décennies, nos successeurs verront les choses différemment ? L'Histoire en tout cas aura fait son travail, effaçant beaucoup de souvenirs pour en privilégier quelques-uns.



M


P.S. : Guido Haegeli, collectionneur suisse, m'a envoyé des photos d'un numéro plus ancien, La Vie du Collectionneur n° 62 du 16 juin 1994, déjà consacré aux tire-bouchons, une bonne approche pour débuter une collection. Voici ces documents :






Merci Guido !






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